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L’Observatoire européen de la fiscalité, dirigé par l’économiste Gabriel Zucman, a publié, le lundi 23 octobre, un rapport sur l’évasion fiscale mondiale, regroupant des travaux de centaines de chercheurs, sur ces 15 dernières années. Même si des évolutions sont notées dans le rapport, les constats restent accablants : et notamment concernant l’évasion fiscale des sociétés multinationales qui représente aujourd’hui de l’ordre de 1000 milliards de dollars de bénéfices enregistrés dans les paradis fiscaux.
Une fois n’est pas coutume, le début de ce rapport apporte une bonne nouvelle : l’évasion fiscale offshore des particuliers fortunés – à savoir les dépôts bancaires, actions et autres titres financiers détenus à l’étranger et non déclarés – a nettement chuté, grâce à l’échange automatique d’informations bancaires instauré, en 2017. Comme quoi, quand il y a une volonté politique de lutter réellement contre la fraude et d’amener des éléments de transparence, cela peut fonctionner.
Cependant, cet élément positif cache bien d’autres problèmes majeurs.
Malgré la mise en place de dispositifs nouveaux ces dernières années (travaux de l’OCDE, taxation aux Etats-Unis...), une quantité persistante de bénéfices continue à être délocalisée vers les paradis fiscaux, atteignant 1 000 milliards de dollars en 2022. Cela équivaut à 35 % de l’ensemble des bénéfices enregistrés par les entreprises multinationales en dehors de leur pays d’origine.
En 2021, plus de 140 pays et territoires ont convenu de mettre en œuvre un impôt minimum de 15 % sur les bénéfices des multinationales. Même si le fait de convenir d’un taux minimum mondial est une avancée historique, la mise en œuvre pratique a fait apparaître plusieurs types d’exonérations réduisant le taux d’imposition et poursuivant le dumping fiscal. Alors que la taxation minimale à 15 % aurait pu rapporter l’équivalent d’un peu plus de 9 % des recettes mondiales d’impôt sur les sociétés, toutes ces mesures restrictives à son application font tomber les recettes à 4,8 % du total, la moitié, selon les auteurs du rapport.
Si l’on regarde quels pays permettent le plus aux multinationales d’échapper aux impôts, on constate que 56 % d’entre eux figurent dans l’Union européenne, avec, largement en tête, les Pays-Bas qui comptent pour un quart du total à eux seuls.
De nouvelles formes de concurrence fiscale agressive apparaissent et affectent gravement les recettes publiques. Au cours des 15 dernières années, de nombreux pays ont introduit des régimes fiscaux préférentiels pour attirer des groupes socio-économiques spécifiques perçus comme particulièrement mobiles (des niches fiscales). Du point de vue strictement national, cette stratégie peut renforcer la collecte fiscale et stimuler l’activité. Cependant, sur le plan mondial, ces politiques ont un impact négatif global : les contribuables attirés par un pays réduisent la base fiscale d’un montant équivalent dans un autre pays, ce qui entraîne une diminution de la collecte fiscale mondiale. Tout cela favorisant le moins-disant fiscal.
Selon plusieurs recherches, les milliardaires du monde entier ont des taux d’imposition personnels effectifs très faibles, compris entre 0 et 0,5 % de leur patrimoine.
Exprimés en tant que pourcentage du revenu et en tenant compte de tous les impôts payés à tous les niveaux de gouvernement, les taux d’imposition effectifs des milliardaires semblent nettement plus bas que ceux de tous les autres groupes de la population.
Le présent rapport formule six recommandations pour concilier mondialisation et justice fiscale.
Il propose notamment l’instauration d’un nouvel impôt minimum mondial pour les milliardaires du monde, équivalant à 2 % de leur patrimoine. Cela permettrait de lutter contre cette évasion fiscale et de générer près de 250 milliards de dollars (environ 42 milliards pour l’Europe) provenant de moins de 3 000 individus. Imaginez quelles recettes fiscales pourraient être dégagées pour le financement des services publics ou la transition écologique, si l’on mettait un impôt sur le patrimoine intégrant les millionnaires !
Pour la CGT Finances, ce rapport apporte de nombreux éléments objectifs sur l’évasion et la justice fiscale, qui confirment le besoin de volonté politique pour lutter réellement contre l’évasion.
Il confirme également que la fraude, ses moyens et procédés évoluent plus vite que les législations et les moyens de contrôle, d’autant plus que les comportements de détournement des nouvelles règles sont également accompagnés et encouragés par certaines banques ou cabinets de conseil.
La CGT finances partage un certain nombre de propositions comme la création d’un véritable cadastre financier pour connaître avec précision la détention des actifs et participations financières. Mais il faut être plus ambitieux en matière de taxation des multinationales et cela pourrait passer par la mise en place d’une taxation unitaire des multinationales, en les considérant comme une entité unique puis en répartissant le bénéfice dans les pays où l’entreprise réalise vraiment son activité.
Pour cela la transparence fiscale et l’échange des données est indispensable, de même que le renforcement des moyens humains et matériels des administrations chargées de la mise en œuvre.
De même, il est nécessaire d’étudier attentivement les dépenses publique ; pour la CGT il convient notamment d’évaluer les exonérations et crédits d’impôt dont bénéficient entreprise et particuliers et supprimer ceux qui seront jugés inutiles (200 milliards) ; il faut mettre fin à toutes les dispositions fiscales favorisant la financiarisation de l’économie.
La CGT revendique que l’ensemble des « dépenses fiscales », soient conditionnées à leur efficacité économique et environnementale, et soient effectivement contrôlées.
Article publié le 26 octobre 2023.